Bien qu’affaiblie après la Seconde Guerre mondiale, l’Italie profite des aides du plan Marshall pour développer son économie dès 1947. C’est cette même année que Ferdinando Innocenti, créateur de la société éponyme spécialisée dans le tube industriel en acier, décide d’investir le marché du scooter pour relancer son entreprise. Il est à la fois séduit par les deux-roues Cushman importés en Italie par les Américains durant la guerre et par la Vespa lancée par Piaggio un an plus tôt. Pourtant, l’idée n’est pas nouvelle ; elle a germée durant le conflit. Ferdinando Innocenti avait construit un prototype - Experiment O - sans pouvoir mener à bien le projet industriel. 1947 permettra à Innocenti de le concrétiser. Le premier scooter, dénommé Experiment 2, est dessiné dans l’usine près de Milan. La rivière Lambro qui serpente proche de l’usine donnera son nom à la marque. En octobre, tout est prêt pour la production. Lambretta est née ! Le modèle A, un scooter biplace, est commercialisé. En 1948, ce sera le tour de son évolution : le Lambretta B. Quinze versions vont se succéder jusqu’en 1969. Cette année, la marque italienne fait appel au génial designer Bertone pour imaginer l’allure des nouveaux modèles et faire face à la crise qui touche de plein fouet les fabricants de motos italiens. Le rachat d’Innocenti par British Leyland, suite au décès de Ferdinando Innocenti en 1966, met un terme à cette belle aventure industrielle. Les anglais stoppent toute production en 1971. Seule une usine indienne la poursuivit un temps en petite production.
Le modèle A a donné le ton mais les ventes ne sont pas à la hauteur de la production. L’industriel décide alors d’exporter son stock en Argentine où de nombreux italiens se sont installés. Ce scooter biplace animé par un moteur de 125 cm³ possède de nombreux défauts qui seront corrigés très rapidement avec la version B. Cette évolution apporte une suspension arrière, les vitesses à commande manuelle et des roues plus grandes de 8 pouces. Dans les années 1950, les petits deux-roues ont envahis les rues italiennes. Deux nouveaux engins à structures tubulaires, le C et le LC (L pour Luxe) puis le D et le LD, sont de véritables succès populaires dans leurs versions 125 et 150 cm³. Elles demeurent des stars sur le marché de la moto d’occasion. Au plus fort de l’usinage, un scooter sort de la chaîne de montage toutes les 50 secondes, soit 15 000 scooters par mois ! Dans les années 1960, la marque innove face à la concurrence et la démocratisation de l’automobile. Le TV 175 est équipé de série d’un frein avant à disque. Elle dévoile aussi des deux-roues monoplace équipés de moteur 50 cm³. Les séries DL 125, 150 et 200 cm³ seront les derniers scooters en 1969.
L’esthétique est l’un des points forts de la marque. Avec ses lignes très modernes, les scooters se distinguent face à la concurrence. Chaque détail a son importance pour apporter une réelle élégance. Les courbes sont omniprésentes. La marque sera aussi la première a proposé une palette de couleurs pastel à ses clients. Faut-il s’étonner que certains modèles tel que le Lambretta TV soient devenus des icônes au sein du mouvement Mod anglais. Dans les années 1960, Lambretta change de style de façon plutôt radical. Exit les lignes arrondies et place à la ligne étroite : Slim line. Même l’emblématique phare avant rond intégré dans le tablier cède sa place à un feu octogonal puis rectangulaire, positionné sur le guidon. En 1968, la firme fait appel aux crayons de Bertone pour une nouvelle gamme de petites cylindrées. Le design des modèles Vega et Lui seront minimalistes. Nous sommes alors bien loin du style d’origine.
Ferdinando Innocenti désirait développer les ventes de son nouveau scooter dans le monde entier. En 1951, sa société accorde à l’allemande NSU une licence l’autorisant à produire ses scooters. 189 000 unités sortiront de l’usine germanique équipée d’une chaîne de montage Innocenti. Par la suite, la marque italienne autorisera la création d’usines en Argentine, au Brésil, au Congo, en Espagne, en Turquie, en Colombie, en Indonésie, au Sri Lanka, en Inde, au Pakistan, à Formose et en France. Cependant, cette initiative se heurte à la difficulté de trouver de la main d'uvre qualifiée locale. Au final, seules l’Espagne, l’Inde et la France produiront les scooters Lambretta. 100 000 exemplaires seront ainsi assemblés en péninsule ibérique. Pour l’Hexagone, Fenwick remporta la licence en 1952. 200 000 unités sont sorties des ateliers de Saint-Julien-les-Villas. De quoi alimenter les annonces de la moto d’occasion pour des décennies !