La Tesla Model 3, c’est la berline qui doit faire entrer Tesla dans la cour des grands, populariser la voiture électrique qui a déjà conquis les acheteurs des segments supérieurs. Annoncée à 35.000$ lors de sa présentation initiale, les réservations ont rapidement afflué, confrontant durement le petit constructeur américain à la réalité de la mise en production à grande échelle. De reports en allongement des délais, la Model 3 à mis le temps à arriver chez nous.
Hasard (ou pas) du calendrier, la Model 3 est arrivée sur le marché en même temps qu’une autre 3 célèbre : la BMW Série 3, souvent désignée comme sa rivale la plus directe. De quoi semer le doute dans la tête des acheteurs entre le futurisme de l’Américaine à moteur électrique, et le luxe plus conservateur de l’Allemande, restée fidèle – pour l’instant – au moteur thermique, essence dans le cas qui nous occupe.
Egales ?
Pour ce match, c’est le modèle Performance de la Model 3 qui nous était confié par Tesla. Un modèle équipé de deux moteurs disposés sur chacun des essieux, procurant de facto à la berline une transmission intégrale. Ils délivrent un total de 469 chevaux, mieux : le couple de 639 Nm catapulte l’auto à 100 km/h en 3,4 secondes ! Pour conserver une certaine équité, c’est donc sur la BMW 330i – déclinaison la plus puissante disponible actuellement – que nous avons jeté notre dévolu. Avec son 4 cylindres 2.0l de 258 ch et ses 400Nm, celle-ci est loin de démériter, réalisant le même exercice en 5,8 secondes.
Tarifs
Nos deux prétendantes se situent en outre dans les mêmes eaux tarifaires. Car si la Model 3 en a déçu certains par son prix nettement moins alléchant qu’initialement annoncé, 68.200€ pour le modèle qui nous occupe, à partir de 47.800€ pour la version "Standard", la Série 3 ne fait guère mieux. Proposée à partir de 44.500€, le prix grimpe rapidement lorsqu’on ouvre le catalogue d’options. Entre les 6.104€ du "Business Pack" (clim trizone, alarme, parking automatisé, BMW Live cockpit), les 5.300€ du Pack M, les 5.000€ du "Innovation Package" (Feux laser, affichage tête-haute…), la tarif final explose pour se situer à 70.890€ sur notre modèle d’essai.
Pas de ça chez Tesla, où la liste d’options tient en trois lignes : pneus hiver (3.900€), intérieur blanc (1.050€) et conduite semi-autonome (6.400€), soit 75.580€ pour notre modèle d’essai. Une différence finalement assez réduite, qui sera en outre compensée par les avantages fiscaux qu’assure la motorisation électrique : TMC et taxe de circulation réduite, déductibilité fiscale maximale, et coût à l’usage largement inférieur.
Tradition contre futurisme
Bien sûr, à ce tarif, la BMW sera finalement mieux équipée que la Tesla, avec toute la panoplie des systèmes d'aide à la conduite, mais aussi des éléments de confort et de style que l'on peut trouver dans l'imposant catalogue. La nouvelle 3 est également bardée de technologie : on va des écrans à affichage personnalisable, au multimédia à commandes gestuelles, en passant par les sièges sport aux multiples réglages, etc. Mais à bord, la différence entre les deux berlines est énorme. La BMW reste parfaitement dans la tradition de ses aïeules. La technologie est bien palpable, mais tout est « rangé » selon les habitudes de la marque, histoire de ne pas perturber la clientèle du modèle.
La Tesla en revanche demande de mettre de côté toutes les habitudes propres à une voiture classique, et d'apprendre de nouveaux automatismes. Déjà, aucune clé de contact n'est nécessaire. La voiture est connectée en permanence au smartphone de son utilisateur. Il suffit donc de s'approcher pour déverrouiller la portière, et de presser la pédale de frein une fois à bord pour démarrer. La Tesla Model 3 est également dépourvue de tableau de bord. Ici, tout passe par et se passe sur l'écran central. Dans la pratique, on s'habitue assez vite à chercher les infos de conduite dans le coin supérieur gauche de l'écran, mais on aurait vraiment apprécié un afficheur tête-haute face au regard du conducteur. Et puis parfois, ce « tout à l'écran » va trop loin : régler les rétroviseurs demande d'assigner cette fonction aux boutons du volant, et ouvrir la boîte à gants se fait par le menu principal. Très peu pratique en roulant, tout ça ! D'autant que nous avons eu affaire à un écran parfois capricieux lors de notre essai, redémarrant à plusieurs reprises sans raison apparente.
En revanche, la Tesla bat sa concurrente à plates coutures en matière d'habitabilité, tant pour les passagers (surtout à l'arrière) que pour les bagages. La compacité des moteurs électriques permet en effet de profiter d'un généreux coffre de 425 litres à l'arrière (accessible via ouverture classique, pas par un hayon comme peut le faire penser son allure profilée), et surtout d'un second de 150 litres à l'avant. Avec ses 480 litres, la béhème reste toutefois assez proche.
Le poids des batteries, le choc de l'autonomie
Vient ensuite le point sur lequel la BMW devrait faire la différence : le dynamisme routier. Et effectivement, fidèle à la réputation de son blason, la Série 3 tire parti de sa légèreté pour se faire la plus incisive, la plus agile des deux. On aime la précision de la direction, et le tarage des suspensions harmonieusement réparti entre fermeté et confort. Toutefois, dans les enchaînements de courbes, la Tesla ne se laisse pas distancer, malgré son embonpoint sensible (1.847 vs 1.470 kg). L'adhérence est magistrale en toutes situations et jamais le moindre signe de sous-virage ne se fait ressentir. Ceux qui ne jurent que par les sensations mécaniques préfèreront forcément la béhème, avec son moteur essence et sa boîte automatique dont les 8 rapports s'égrènent sans à-coup. La Tesla y oppose une puissance parfaitement linéaire dès les « 0 tr/min » et une douceur d'usage sans commune mesure. Car oui, rouler en électrique a un côté « cool », presque relaxant, que ne peut proposer un moteur thermique aussi onctueux soit-il.
L'Allemande fait également le plein d'aides à la conduite (régulateur de vitesse adaptatif, aide au maintien de voie, gestion des bouchons...) et, surtout, au stationnement. La voiture enregistre automatiquement les mouvements du volant durant les 50 mètres (sous 36 km/h) qui ont précédé l'arrêt du véhicule. Elle peut ensuite reproduire exactement la trajectoire en sens inverse par simple pression d'un bouton. C'est très pratique, et cela fonctionne même avec des manœuvres complexes. A cela, Tesla répond par la possibilité d'insérer et de sortir le véhicule d'un emplacement de parking directement depuis son smartphone, mais uniquement en ligne droite. Cela n'en reste pas moins fort à propos dans les places étriquées. Signalons aussi que le fameux Autopilot de l'Américaine se montre un chouïa plus doux dans ses réactions en conduite semi-autonome que les systèmes de sa rivale. Quant à l'autonomie, la Tesla peut tenir 420 à 450 km sans problème en usage normal (530 km annoncés). Avec ses 8l/100km (5,8l NEDC) et un réservoir de 59 l, la BMW fait forcément mieux, mais l’autonomie de l’Américaine n’en reste pas moins plus que suffisante en usage « normal ».
Et donc ?
Au final, la BMW Série 3 est sans doute une « meilleure » voiture. Elle marque de gros points sur les plans de la finition, de l'équipement et de l'agilité. Mais attention, car la Tesla est en embuscade, et ne demande que la correction de quelques petits défauts (qualité de fabrication, afficheur tête haute, fiabilité de l'écran...) pour remporter ce match. Car sa gestion de l'électricité est l'une des (si pas LA) plus efficaces du marché, et l'autonomie réelle est parfaitement convaincante pour l'immense majorité des usages. Enfin, elle offre ce sentiment de conduire une voiture « du futur » qui la rend terriblement attachante... ou rebutante selon les sensibilités de chacun. Mais en tout cas, le match est extrêmement serré, et l'Américaine apporte une réponse convaincante à ceux qui disent que l'électrique n'est « par pour eux ».