Oubliez les panneaux de carrosserie auxquels on donne une forme à la précision millimétrique dans le bruit assourdissant des presses. Ici, les choses sont plus personnelles, plus physiques. Ici, un homme armé d'un simple marteau travaille – on devrait plutôt dire masse – une feuille d'aluminium pour lui donner les courbures du modèle. Et quel modèle! Nous sommes en train d'assister à la naissance de la Disco Volante n°3, une création du carrossier italien Touring Superleggera.
Da Vinci
Vous pouvez sans crainte d'exagérer comparer Touring au de Vinci de l'Automobile. Dans un obscur hangar de la banlieue milanaise, on fait naître de l'art sur quatre roues. Où d'autre que sur ses terres natales peut-on trouver justifiable le sacrifice d'une Alfa Romeo 8C? Dans le hall, la Disco Volante numéro 2 est fin prête, bien qu'à la demande de l'acheteur, elle porte le numéro 8, le dernier de la série. Au moment de notre visite, toutes les Disco Volante ne sont pas encore vendues. Ce qui met en évidence la difficulté de rendre viable un tel projet, œuvre d'art pourtant unanimement saluée. Le prix est évidemment une pierre d'achoppement, mais certainement pas la plus importante. Sans compter l'achat de la voiture donneuse, il faudra débourser plusieurs centaines de milliers d'euros. Le chiffre de 800.000 est chuchoté çà et là. Chez Touring, on garde le mystère.
"Nous sommes une marque de haute couture pour l'automobile", affirme Piero Mancardi, jadis patron de l'importateur Fiat en Belgique. "Pour réaliser entièrement la carrosserie en aluminium de la Disco Volante, il faut 4.000 heures de travail. Une voiture nous occupe à peu près six mois."
Ferrari, Lamborghini
Au cours des dernières années, Touring Superleggera a effectué un parcours impressionnant. L'entreprise avait connu la gloire avant-guerre, à une époque où les constructeurs ne produisaient en général que des châssis roulants. Touring apposa la signature Superleggera sur des Ferrari (166 et 212), sur les premières Lamborghini 350 et 400 GT, sur des Alfa Romeo, des Maserati, des Osca, des Aston Martin et des BMW. Mais lorsque les constructeurs commencèrent à développer leurs propres carrosseries, ce fut la fin de l'âge d'or des grands Carrossiers.
En 2010, Touring Superleggera donna à nouveau des signes de vie avec la très belle Bentley Continental Flying Star, un Shooting Brake basé sur la Continental GT. "Avec cette voiture, nous avons créé une tendance", nous dit Mancardi. "Avec elle, nous avons montré que nous n'avions rien perdu de nos qualités majeures: le design et la fabrication. Nous avons aussi entamé par là un chemin vers des designs plus futuristes, et à la fois intemporels. Nous ne serons jamais un constructeur, nous continuerons à utiliser des voitures existantes pour créer des "Fuori Serie" (séries limitées) destinées à un public très spécifique. Ce public se compose de personnes qui ne voient pas uniquement l'automobile comme un investissement, mais comme une opportunité de s'impliquer à nos côté dans tous le processus de création."
Disco
Nous regardons le logo Alfa éclairé qui trône sur le nez de la voiture, puis les inscriptions "Disco Volante" des dossiers de sièges qui, elles aussi, s'éclairent lorsqu'on déverrouille la voiture. Nous en avons les genoux qui tremblent. Tout dans la Disco Volante transpire l'artisanat.
"Nous avons dû chercher les artisans capables d'exécuter un tel travail, et nous avons composé une équipe dans laquelle se mêlent anciens Maîtres confirmés et jeunes prometteurs formés par les anciens. Dans notre atelier, on voit littéralement la transmission du savoir-faire", nous explique Mancardi. Touring Superleggera est aussi un restaurateur très apprécié de voitures historiques, comme par exemples de ses propres Fuori Serie. "Nous essayons aussi de nous introduire auprès des constructeurs traditionnels pour leur proposer des projets exclusifs. Pour eux, nous imaginons des séries de 100 à 300 voitures." D'ailleurs avec sa Mini, Touring a prouvé ne pas s'intéresser qu'aux marques de prestige. "En fait, notre objectif est simple: nous devons faire en sorte d'avoir en permanence une dizaine de projets sur la table, dont un au-moins sera concrétisé."