Depuis quelques temps, plusieurs grands acteurs de cette énorme industrie font campagne pour que la profondeur minimale des rainures d'un pneu, à laquelle il est recommandé de le remplacer, passe de 1,6 mm actuellement à 3 mm. Michelin, incontestable numéro un mondial dans le domaine, vient de balayer la proposition.
Aucun test
Le géant français réfute d'abord tous les arguments sécuritaires plaidant pour un changement plus prématuré des pneus. Selon lui, tous les tests officiels de pneus aujourd'hui réalisés le sont avec des pneus neufs, et rien ne prouve que les qualités observées se détériorent à mesure que le pneu s'use. Comme le souligne Michelin, les technologies actuelles permettent d'obtenir des alliages de gomme garantissant la régularité des performances d'adhérence tout au long de la vie du pneu.
Michelin ne conteste toutefois pas que des rainures profondes sont un facteur positif lors des freinages sur route mouillée. Mais le manufacturier nuance: à Londres (une ville pas réputée pour la douceur de son climat), les routes son sèches 71% du temps, et la proportion passe à 85% dans le sud de la France. Selon lui donc, le gain enregistré serait trop faible comparé aux pertes. Quelles pertes?
6 milliard d'euro
Michelin a commandé une étude au bureau d'audit Ernst & Young, et celle-ci montre que si nous changions nos pneus quand ils sont à 3 mm plutôt qu'à 1,6, cela représenterait une consommation supplémentaire de 128 millions de pneus par an rien qu'en Europe. Le surcoût pour les conducteurs européens est estimé à 6 milliards d'euros par an. Le bilan environnemental n'est guère mieux, puisque la fabrication et l'acheminement des pneus vendus représenterait chaque année… 9 millions de tonnes de CO2 en plus dans l'atmosphère.
Bref, on peut dire que Michelin, dont le sérieux et la crédibilité ne peuvent être mis en doute, dénonce ici une campagne de lobbysme purement mercantile de la part de certains de ses concurrents, et les soupçonne de vouloir faire du pneu un produit à obsolescence programmée de plus.