Ce n'est pas rien que cette plainte déposée par Nissan auprès de la justice nippone. En effet, il semblerait que le grand patron de l'Alliance Renault-Nissan-Mitsubishi, qui est à la fois le CEO de Renault et de Nissan, ait dissimulé la moitié de ses revenus au Conseil d'Administration de Nissan. Durant les cinq dernières années, Ghosn aurait déclaré avoir perçu 62 millions d'euros, alors que ce serait en réalité le double. Au Japon, le salaire d'un CEO est dix fois inférieur à celui d'un CEO aux USA, et le sujet est très sensible au Pays du Soleil Levant. Par ailleurs, Nissan affirme aussi que Ghosn aurait fait payer par l'entreprise certains de ses déplacements privés.
Nissan veut reprendre le contrôle
Ces plaintes sont assez sérieuses. Mais derrière cette histoire, se joue aussi le pouvoir dont disposent les Japonais au sein de l'Alliance. Il y a 20 ans, Ghosn qui était alors CEO de Renault a littéralement sauvé Nissan de la faillite, en bouclant un accord selon lequel Renault, un lutin industriel comparé à ce qu'était déjà Nissan, reprenait le géant japonais. Officiellement, il s'agissait d'une "Alliance" franco-nippone mais dans les faits, le rapport de force était clairement en faveur de Renault. Les Français ont en main 43% des parts de Nissan, et la possibilité de décider qui siégerait au Conseil d'Administration de la marque. A l'inverse, Nissan n'a que 15% des parts de Renault, sans le moindre pouvoir décisionnel. Tout cela alors qu'aujourd'hui Nissan génère la grande majorité des revenus du groupe.
Quel avenir?
Il semble donc que les Japonais jugeaient le moment venu d'établir de nouvelles règles. La question est: qu'adviendra-t-il de l'Alliance maintenant qu'elle est privée de son architecte? Ghosn est le principal trait d'union entre Renault et Nissan, deux entreprise aux cultures très différentes et nourrissant une méfiance réciproque certaine. Dans un scénario selon lequel les chemins des deux marques se sépareraient, Nissan aurait encore de sérieuses chances de survie. En revanche, Renault – qui n'a guère du poids qu'en Europe – et Mitsubishi seraient des oiseaux pour le chat. C'est aussi ce que semblent penser les investisseurs, car les cours boursiers de Renault et de Nissan ont été sérieusement plombés.
Une première conclusion semble en tout cas vouloir se dessiner: après la disparition de Martin Winterkorn de VW suite au Dieselgate, le décès inattendu de Sergio Marchionne chez FCA, et aujourd'hui l'arrestation de Carlos Ghosn, ceci annonce la fin de l'ère des méga-CEO à la tête des groupes automobiles.