La remplaçante de la berline rétro S-Type en est également une illustration éclatante, et pas seulement sur le plan esthétique. La XK plaçait la barre très haut en matière de confort et de sportivité et inspirait d’immenses attentes pour les futures Jaguar. Avec la berline XF, on peut parler de tir cadré. Les goûts et les couleurs ne laissent pas indifférent. De même, s’agissant de design automobile, les uns tergiversent à n’en plus finir, tandis que les autres se forgent une opinion et passent leur chemin. Ou alors ils restent parce qu’ils sont scotchés. On peut seulement dire que le design a manqué son but s’il ne fait naître aucune émotion, et à cet égard, Ian Callum et son équipe de designers ont mis dans le mille: la XF déchaîne les passions dans les rangs des fans de Jaguar.
Finis les néons rouges
Difficile d’imaginer une manière de se détourner plus radicalement de l’image de souteneurs sur le retour dans les bas quartiers. La XF est tout simplement un OVNI au regard de ses concurrentes raffinées (BMW Série 5, Mercedes Classe E ou Audi A6). De profil, la berline quatre portes s’apparente à un coupé - un style dans lequel seul Mercedes a osé s’aventurer avec l’évolution CLS de la Classe E. De dos, la XF est sensiblement plus élégante que ses rivales, et de face, elle est à tout le moins aussi impressionnante.
L’habitacle excelle également dans la rupture radicale: une fonctionnalité d’une élégance sobre, sans fioritures baroques, accueille désormais les passagers. Le levier de sélection automatique, en particulier, est une vraie réussite: faisant fonction de sélecteur général, il se soulève hors de la console centrale lorsque l’allumage est enclenché et un mouvement de rotation sur «D» suffit à activer le mode de conduite. À l’issue d’un trajet, le processus est plus simple encore: le conducteur doit uniquement arrêter le moteur et l’électronique, qui a enfin trouvé une application intelligente, se charge du reste sans attendre qu’il sélectionne au préalable «P» ou «N». À quoi bon d’ailleurs? Les solutions automatiques classiques de Munich, Stuttgart ou Ingolstadt paraissent soudainement d’un autre âge, même si leur levier de sélection innove en disparaissant de la console centrale.
Toute en longueur
La XF s’étend sur une longueur extérieure de près de 5 mètres, dépassant ainsi nettement ses concurrentes. À 2,9 mètres, l’empattement appartient lui aussi presque à une catégorie supérieure et augure favorablement du comportement routier et du confort dans les longs trajets.
Quatre motorisations s’échelonnant entre 207 CV (V6 diesel) et 416 CV (V8 Kompressor) seront disponibles lors du lancement en mars 2008. Le V6 essence de 3 litres et 238 CV est la seule version que nous n’avons pas encore pu essayer, mais il ne devrait jouer qu’un rôle secondaire dans les statistiques d’immatriculation.
L’écrasante majorité des amateurs de XF opteront pour le moteur à allumage spontané, mais en guise d’amuse-bouche, nous avons d’abord mis à l’épreuve la déclinaison Kompressor, baptisée SV8, dans l’arrière-pays du Sud de la France.
Conduite rapide, sans chichis
Dès les premiers mètres, et plus précisément à la sortie des premiers lacets, un rictus de satisfaction balaie l’incrédulité. Une voiture a rarement offert un compromis aussi équilibré entre le confort et la sportivité, que la SV8 doit notamment à son châssis adaptatif CATS. Avec une propulsion de plus de 400 CV, une conduite sportive bondissant d’ordinaire d’un virage au suivant s’apparente à une promenade de santé.
En effet, la XF ne file ou ne trace pas à proprement parler; elle engloutit les kilomètres d’autoroute et les courbes en se promenant à travers les montagnes et les vallées. En termes objectifs, l’on décrit habituellement le comportement routier en recourant à la notion quelque peu galvaudée parmi les journalistes automobiles de la «tenue de route». Il serait plus judicieux d’évoquer ici la «maîtrise» ou la «dynamique»: la XF atteste d’une formidable tenue de route. Elle n’incite pas à la déraison, elle ne laisse pas transparaître un caractère difficile à dompter - l’engin se positionne très précisément à l’endroit où le souhaite le conducteur. L’on atteint sans grand fracas des vitesses fantastiques - et c’est un euphémisme au plus pur sens du terme. Là où d’autres proposent moult réglages du châssis, la XF se contente d’assurer la meilleure tenue de route qui puisse être imaginée.
CATS
La suspension active CATS présente toutefois un défaut lorsqu’on passe au moteur d’aspiration V8 de 300 CV: elle est exclusivement réservée au Super-V8. C’est d’autant plus regrettable et incompréhensible que le châssis normal témoigne de faiblesses substantielles et de différences tangibles par rapport au châssis à suspension active. Ainsi, il est peu commode à allure modérée et il développe un roulis latéral dans les courbes rapides à allure plus soutenue. Ce dernier point n’est pas un inconvénient en soi en ce qu’il correspond tout à fait à la nature confortable de la XF, mais on se passerait bien du léger tressautement sur les raccords transversaux.
Loin de constituer une motorisation insuffisante, le moteur d’aspiration atteste du reste de performances routières tout aussi séduisantes que son cousin Kompressor plus puissant de 100 CV. Jaguar annonce à peine 7 secondes pour le sprint de 0 à 100 (5,6 pour le SV8), un temps crédible, et une limitation à 250 km/h. À l’évidence, la consommation n’apporte pas un plaisir comparable: elle se situe entre 17 et 19 litres pour le SV8 selon les chiffres normalisés en cycle urbain.
Discrétion remarquable
Un élément qui ne saute pas aux yeux, et qui en est d’autant plus remarquable, réside dans le confort d’assise. Alors qu’un passager peut se sentir coincé en position adéquate dans un siège exagérément sportif ou subir irrémédiablement la force centrifuge en l’absence de faces latérales, dans la dernière Jaguar, il est tout simplement installé confortablement. Une position ergonomique peut être trouvée aisément grâce au réglage électrique des sièges offert en série. Par ailleurs, tout est parfaitement agencé et un téléphone portable Bluetooth se connecte en quelques secondes au système Bowers & Wilkins. Encore un détail «sans chichis» de la XF qui fait de sa prise en main un régal.
À l’heure actuelle, le diesel est un passage obligé, tant pour Jaguar que pour la concurrence allemande. Un moteur aussi formidable que le V6 de 2,7 litres peut d’ailleurs également s’exprimer avec conviction dans la XF malgré son allure anodine. La Jaguar diesel déploie tranquillement une puissance taillée pour le circuit et franchit les 100 km/h en 8,5 secondes. Malgré cette puissance nettement inférieure à la V8, on ne ressent nullement de sentiment de sous-motorisation. Dans la motorisation de base, la XF emmène ses occupants dans leurs escapades sans avoir l’air d’y toucher.
Équipement complet
La XF est dotée d’usine d’un niveau d’équipement généreux. La liste commence par les jantes 17 pouces en aluminium pour le diesel (l’essence est équipée au moins de 18 pouces) et se termine par la climatisation automatique à deux zones, en passant par le réglage électrique des sièges en cuir, le système de navigation et les sièges arrière rabattables. Sans oublier l’éclairage intérieur réussi avec les graduations et les boutons lumineux bleu turquoise, ainsi que les lampes de lecture à allumage sans contact. Au rayon des suppléments à recommander, malgré leur coût élevé, figurent les phares bi-xénon (1.480 euros), les luxueuses jantes 19 pouces (540 euros ou 1.185 euros pour le diesel de base) et le système de surveillance anti-angle mort dans les rétroviseurs extérieurs (720 euros). Si un amateur souhaite faire une exploitation optimale des faibles bruits de roulement et si une station iPod peut contribuer à son bonheur, il pourra y ajouter l’installation Surround de 440 watts des artisans du son Bowers & Wilkins à 2.480 euros.
En bref
Il s’agit sans conteste d’une invitation aux nouveaux propriétaires de la marque de prestige Jaguar: la XF démontre de façon persuasive à quel point elle peut progresser. Les concurrents le ressentiront également dès lors que la XF cible dans une large mesure le public actuellement acquis aux marques allemandes haut de gamme. Malgré l’équipement de base pléthorique et un prix offensif de 48.900 euros, les immatriculations ne dépasseront naturellement pas la dizaine de milliers, mais les acheteurs obtiendront chez Jaguar ce qu’ils ne trouveront nulle part ailleurs sur le marché: le confort et la dynamique sans compromis.