C'est déjà plutôt haut de gamme, et pourtant la Ghost survole la "concurrence". N'allez pas croire que c'est son prix bien plus élevé et une certaine idée du luxe qui la place au-dessus des autres. Avec ses 5,40 m de long, elle en impose, évidement. Mais ce ne sont pas non plus ses dimensions qui impressionnent le plus. C'est sa majesté.
La porte de la voiture est grande ouverte mais je reste là, dehors, intimidé.Puis je me décide et à peine posé sur le siège, je me fige. Jamais je ne me suis assis dans quelque chose de tel. Je pose mes pieds et la moquette pure laine, plus épaisse que ma main, caresse mes pieds à travers mes chaussures. Assis sur, ou plutôt dans cette banquette (dans les Rolls, le dossier enveloppe l'occupant en se prolongeant jusqu'à la portière), tout est si doux qu'on a la sensation d'être en apesanteur. Aucune Classe S (target=undefined), aucune Bentley ne procure cette sensation.
Exclusivité totale
Dans l'habitacle absolument rien ne vient de chez BMW (target=undefined), propriétaire de Rolls Royce. Pas une commande de clignotant, pas un cadran. On est loin des compteurs Volkswagen/ Audidans les Bentley. La présentation reste traditionnelle. Pas de débauche de boutons, les commandes de fonctions peu utilisées sont masquées et même l'écran du GPS disparaît derrière un panneau de bois lorsqu'on n'a pas besoin de lui. Elégance totale.
Respect mutuel
Une pression sur le bouton, et voilà que s'éveille le V12, d'origine BMW évidemment mais très largement retravaillé. Il a par exemple été porté de 6.0l à 6.6l. La commande de boîte auto est, selon la tradition Rolls, un fin levier placé derrière le volant et il présente trois position: R, N et D. Pas de "Sport" ou "Manual". Elle n'en a pas besoin pour passer de 0 à 100 km/h en 4,9 secondes. La seule fonction additionnelle est appelée Low, et elle sert à rouler au pas. Pour les défilés officiels?
La voiture se met en mouvement en un souffle. Nous glissons. Après quelques centaines de mètres, je remarque que la position d'assise est assez haute. Plus que dans n'importe quelle limousine de prestige, mais moins que dans n'importe quelle autre Rolls. Ce qui rapproche la Ghost du statut de voiture à conduire. Et plutôt que d'éveiller chez le conducteur un sentiment de supériorité condescendante, cette hauteur provoque plutôt un sentiment de sécurité. Et puisqu'on voit un peu plus loin, on anticipe le trafic et on peut adopter une conduite plus coulée, plus classe. Cette voiture apaise, elle rend bienveillant à l'égard des autres, et les autres le rendent bien. Une Rolls ne crée pas l'envie autour d'elle, mais l'admiration.
La légèreté d'un ange
Dans cette Ghost, les raisons de s'extasier ne manquent pas: l'incroyable mélange de légèreté et de précision de la direction, par exemple. Ou son irréprochable réactivité aux pressions du pied droit. Un peu plus de gaz et elle s'envole. Un peu plus encore et la boîte automatique (la fabuleuse 8 rapports de BMW) rétrograde dans une caresse pour laisser les 563 ch s'expriment librement, mais en silence. Et si on est simplement en train de prendre un petit virage, dans une petite rue d'un petit village, ce sont les 780 Nm (dès 1 500 tours) qui font évoluer la voiture. De nouveau, cette sensation d'être en apesanteur, de planer. Même l'état des routes ne perturbe que très peu. Clairement, cette voiture glisse comme un… fantôme.
Est-elle parfaite? Disons que le niveau de "perfection" est supérieur dans les trois grandes allemandes. Mais en essayant la Ghost, on constate surtout que ces dernières sont absolument stériles du point de vue émotionnel.
On peut parfois ne pas comprendre pourquoi une automobile coûte 100 000€. Mais ici, chacun des quelques 300 000€ sont parfaitement légitimes. C'est le prix du luxe, certes. Mais c'est surtout le prix d'une voiture qui, en ne prenant pas part à la stupide course au dynamisme, reste au-dessus de la mêlée.
