Jack Heuer, petit-fils du fondateur helvétique de la marque horlogère du même nom, cherchait une façon de mieux faire tourner l'affaire familiale. C'est alors que fut abordé le sujet du sponsoring.
Depuis la tombe
"Pendant une partie de golf, un ami m'a conseillé d'aller discuter avec le jeune talent suisse Jo Siffert, qui cherchait des sponsors pour pouvoir rouler en F1. Je me suis donc rendu au garage Porsche de "Seppi", à Fribourg, et ça a tout de suite collé entre nous. Au point qu'il m'a fait acheter ma première Porsche le jour-même. En échange d'une place sur sa combinaison, il était convenu qu'il garde les revenus pour chaque montre qu'il parviendrait à vendre dans les Paddocks de F1. Et en un rien de temps, la moitié du Paddock avait une montre Heuer au poignet. Jo était un vendeur né.”
Brands Hatch 1971
“J'ai été terriblement touché par l'accident qui lui a coûté la vie à Brands Hatch en 1971. Je n'avais plus du tout envie de sponsoriser un sport aussi macabre. Jusqu'à ce que sorte une biographie de Siffert. Sur la couverture du livre, il y avait une photo de lui en combinaison, avec notre logo en grand. Même depuis la tombe, Jo continuait à nous faire de la pub. J'ai mis du temps mais finalement, je me suis décidé à poursuivre le sponsoring en sport automobile."
Le Mans
C'est aussi grâce à Jo Siffert si Heuer apparait dans le film de Steve McQueen "Le Mans". "Il y avait des tas de pilotes sur le tournage. A un moment, un membre de l'équipe du film a demandé à McQueen: "A quoi veux-tu que ressemble Michael Delaney (le personnage de McQueen dans le film. Ndlr)?" Il a répondu: "A Jo". A l'époque, nous étions aussi le sponsor technique et nous fournissions tous les chronos et toutes les horloges. Pour McQueen, j'avais besoin de trois montres identiques mais le seul modèle que j'avais en suffisance était celui que je vendais le moins bien parce qu'il était un peu trop d'avant-garde pour l'époque: la Monaco. Et ce qui est drôle, c'est que grâce au film, la Monaco a fini par très bien se vendre."
Ambassadeurs
"McQueen n'avait aucune envie d'être un homme-sandwich. Lorsque je me rendais sur le plateau de tournage, lui le quittait. Il ne voulait pas me rencontrer. Pas de problème, j'en profitais pour passer des déjeuners très agréables avec Elga Andersen, sa partenaire dans le film. A l'époque, nous n'avions le droit d'utiliser que quelques images du film pour nos campagnes de pub."
Les droits sur le portrait de McQueen portant la Monaco, nous ne les avons acquis qu'après sa mort. Il faut dire qu'à l'époque du film, McQueen n'était pas exactement le "support publicitaire" idéal. Il n'avait pas très bonne réputation. Ce n'est qu'après son décès qu'il est vraiment devenu une icône. Et donc comme Jo et Ayrton Senna, c'est après sa mort qu'il est devenu un meilleur ambassadeur de notre marque. Ces hommes avaient vraiment une aura que le commun des mortel n'a pas."
"L'adorable" Jacky Ickx
une aura que le commun des mortel n'a pas."
En tant que Sponsor de Ferrari, Heuer a aussi connu Jacky Ickx. "Un homme vraiment adorable. Il était aussi très créatif et donnait souvent des idées pour améliorer notre collaboration. Jacky a toujours été quelqu'un de très attentif. Un jour, il y a quelques années et alors que nous n'avions pas été en contact depuis longtemps, il m'a appelé, juste comme ça, pour savoir comment j'allais."
A présent, Heuer est lui-même devenu une sorte d'ambassadeur d'honneur pour sa marque. Par le biais de TAG, celle-ci est passée en des mains saoudiennes et est devenue la marque TAG-Heuer. Mais la passion du sport automobile est intacte et aujourd'hui encore, TAG-Heuer est l'un des sponsors de la F1, actuellement de l'écurie Red Bull.
"Je trouve que ce sport a changé, il y a trop d'argent en jeu. Je suis encore la F1, mais de loin. Les pilotes aussi, étaient différents à l'époque. Avant chaque course, ils préparaient leur testament. Il n'y a plus d'hommes comme ça, aujourd'hui."