Comment présenterez-vous une croissance saine, pour Jaguar? Durant l'ère Ford, on parlait d'un minimum de 200.000 Jaguar par an. Quel serait le bon objectif?
"L'an dernier, nous sommes passés de 250.000 ventes Jaguar et Land Rover à presque 500.000. Au cours des cinq prochaines années, nous nous attendons encore à une croissance des deux marques, notamment sur les terrains des SUV de luxe et des véhicules électrifiés. C'est sur cela que nous nous concentrons. Mais je ne vous donnerai pas de chiffres précis quant à nos objectifs."
Le F-Pace ne risque-t-il pas de cannibaliser les ventes Land Rover?
"Je ne le pense pas. Le nombre de SUV actuellement disponibles sur le marché nous montrent qu'il ne s'agit pas d'un simple phénomène de mode. Le marché grandit vite, et même plus vite que ce que nous avions imaginé. Et ce à l'échelle mondiale. Or nous remarquons que la plupart de nos nouveaux clients viennent d'autres constructeurs, et qu'il n'y a donc aucun signe de cannibalisation entre nos marques. Mais Jaguar doit grandir encore, et ceci est la meilleure façon de le faire. Là encore, de très nombreux acheteurs viennent d'ailleurs."
Ca fait longtemps maintenant que Land Rover vend plus que Jaguar. Faut-il que cela change?
"L'année dernière, nous avons proportionnellement plus investi dans de nouveaux produits Land Rover. Mais Jaguar doit bien sûr aussi aller de l'avant et nous espérons évidemment un retour sur investissement. Autrement dit: des ventes. Et les chiffres nous montrent déjà que ça arrive, tranquillement. L'an dernier, nous avons vendu 80.000 Jaguar dans le monde, contre 400.000 Land Rover. Avec la XE, la nouvelle XF et le F-Pace qui arrive maintenant, nous aimerions évidemment voir les chiffres de Jaguar progresser significativement. Et de préférence, que cette progression soit plus forte que celle de Land Rover."
La crise chinoise vous inquiète-t-elle?
"J'ai vécu et travaillé durant cinq ans en Chine, et j'ai vu en direct comment évolue un marché de cette ampleur. Il est certes normal de connaitre des revers de temps en temps et à mon avis, la Chine n'a pas encore atteint son pic. Aujourd'hui, ce marché compte pour quelques 20 millions de ventes de voitures par an et à moyen terme, il pourra atteindre les 30 millions. Je le répète, ça n'empêche pas les chutes passagères mais quand c'est un marché comme la Chine qui connaît une chute, les répercussions se font sentir sur toute la planète, comme nous le constatons en ce moment."
Et comment protégez-vous Jaguar et Land Rover contre cela?
"Nous devons disposer d'un portefeuille de produits bien équilibré. Actuellement, 23% de notre production reste en Europe, 19% vont aux USA et la Chine absorbe elle aussi 19%. Mais à terme, pour nous comme pour d'autres constructeurs, elle sera le marché le plus important. Il faut savoir que le nombre de voitures par 1.000 habitants y est encore extrêmement bas, il reste donc un gros potentiel."
Quel est le poids des XE et XF en Europe, et cette importance évolue-t-elle?
"Nous venons à peine de lancer ces deux modèles. La XE est notre offre d'entrée de gamme et son développement commercial est en cours. Mais elle représente déjà une bonne partie de nos ventes. Elle n'est certes pas encore au niveau des rivales allemandes, commercialement j'entends, mais Rome ne s'est pas faite en un jour. Tata, notre propriétaire, a une vision à long terme, faite de plans d'investissements dans de nouveaux produits eux aussi à long terme. Nos concurrents aussi ont bataillé 30 à 40 ans avant d'en être là où ils sont. Les XE et XF peuvent clairement se battre pour une place au soleil. Pour le F-Pace, l'histoire est différente."
Comment ça?
"Le F-Pace devra toucher la corde sensible de nouveaux clients. Il est en mesure de changer la perception que les gens ont de Jaguar. Pour nous, il s'agit d'une chance à saisir. Mais nous savons tout de même que les choses demandent du temps. C'est pour cela que nous investissons énormément dans le marketing et dans des évènements Ride&Drive, durant lesquels nous mettrons le public au volant de nos voitures. Les gens manifestent un réel intérêt pour notre héritage, mais cette vision peut avoir autant d'aspects négatifs que positifs. Tout le monde n'a pas une image très juste de ce qu'est Jaguar aujourd'hui. Nous devons leur montrer que Jaguar est une marque qui évolue, et nous allons le faire par des évènements pendant lesquels nous insisterons beaucoup là-dessus."
Quelle est votre identité comparée à celles des Allemandes?
"Pour Land Rover, l'identité est évidemment celle des 4x4 qui se placent bien au-dessus de toute concurrence. Jaguar, c'est une marque orientée vers la performance, une marque britannique, et nous capitalisons aussi sur les caractéristiques de style de voitures qui nous ont valu un grand succès durant les Seventies, comme la Type E. Ces traits de design ont évolué en quelque chose de moderne que l'on retrouve avec la F-Type. Enfin bref, nous sommes différents de nos concurrents allemands."
Que peut-on encore attendre à l'avenir?
"Nous allons continuer sur la voie que nous suivons depuis quelques années maintenant. Nous allons donc encore beaucoup investir dans nos produits. Ratan Tata a dit un jour qu'avec Jaguar et Land Rover, il s'était offert deux joyaux de la couronne qui avaient perdu de leur lustre. Et il s'est donné pour but de leur rendre ce lustre. Il faudra du temps, mais nous y travaillons très sérieusement."
Pendant ce temps, les Allemands n'en finissement pas de lancer de nouveaux produits. Vous allez faire de même?
"Pas question pour nous de copier quoi que ce soit, nous choisirons nos propres niches. Nous n'atteindrons pas les niveaux de production de nos concurrents allemands, mais il est clair que nous voulons vendre plus de voitures. Cela est-il synonyme de nouveaux modèles à venir. Sans le moindre doute!"