Comment est née la première Ibiza?
Alejandro Mesonero: "En 1984, Seat était à la croisée des chemins. Le lien avec Fiat n'existait plus et nous devions développer une nouvelle voiture entièrement par nous-mêmes, à une chose près: nous pouvions encore utiliser le châssis de la Ritmo, ce que nous avons fait pour la Ronda et pour l'Ibiza. Le choix s'est avéré judicieux, puisque l'Ibiza jouait une catégorie en-dessous de la Ritmo. Elle était large et reposait sur un empattement assez long, mais ses porte-à-faux étaient très réduits. Ca donnait à la voiture une posture puissante qui n'a pas pris une ride."
Pour le design, nous nous sommes adressés à Giugiaro, puisque Seat n'avait pas encore à l'époque de département design. Giugiaro a proposé un design simple, élégant et aussi novateur: l'Ibiza n'avait pas de montant arrière. C'est le hayon qui en faisait office. Les lignes étaient tendues, horizontales, et les arches d'ailes légèrement bombées mettaient en évidence la largeur des voies. Aujourd'hui encore, ça reste une voiture sportive et élégante, vous ne trouvez pas?"
Ca fait longtemps qu'on n'en a pas vue une, mais on se souvient d'une chouette auto.
"Bien sûr nous avons été de l'avant, depuis. Mais la première Ibiza reste une belle voiture. Je suis fan de sa simplicité et de son honnêteté, ce qui est la base de l'ADN Seat. La deuxième Ibiza est elle aussi sortie du crayon de Giugiaro, et capitalisait sur la première génération. C'est avec la troisième génération qu'est vraiment arrivée la révolution. Cette Ibiza a été le premier fait d'armes de Walter de Silva. J'ai encore travaillé avec lui à l'époque sur ce projet. A ce moment-là, il avait été décidé de conserver les proportions de l'Ibiza, mais en adoucissant le langage de style. Nous avons aussi introduit la double ligne au-dessus des passages de roues. C'était un très grand pas en avant. Subitement, l'Ibiza devenait une voiture au retentissement international. A cette époque, l'image de l'Ibiza était plus forte que l'image de Seat."
La seconde génération nous a apporté les Cupra et les Evo, et a attiré nouveau public. Seat semble avoir fait marche-arrière aujourd'hui. Pourquoi?
"Nous sommes toujours une marque sportive, d'une façon plus adulte. Il est clair que cette Ibiza nous a emmenés sur le terrain du sport, mais elle nous a surtout permis de faire un bond sur la qualité. Avec la première Ibiza, la pression du temps était trop forte et la qualité n'était probablement pas son point fort. La seconde génération a marqué un tournant dans ce domaine. C'est avec elle aussi que nous avons décidé d'adopter un look "familial" adapté à tous les modèles. Quand on est une petite marque comme nous, il est important que toutes les voitures affichent leur appartenance à une même famille quand on les voit sur la route. Enfin c'est aussi avec cette génération que nous avons injecté un peu de sensualité dans le design."
"La quatrième génération d'Ibiza, créée sous la direction de Luc Donckerwolke, devait être une mini-Leon. Mais je trouve qu'au final, elle a été bien plus que ça. Elle a été plus moderne et porte en elle plus de passion. La prochaine Ibiza se distinguera vraisemblablement plus de la prochaine Leon."
Comment ça?
"Les deux voitures devront évidemment afficher leur appartenance à une même famille, mais elles seront très différentes l'une de l'autre: la mature et la petite jeune. L'Ibiza va devoir devenir la petite rebelle de la famille, qui doit encore grandir, qui est encore sauvage et égoïste. Elle devra faire "Grrr!" plus qu'elle ne le fait aujourd'hui. En tout cas, c'est la base de travail que j'ai confiée à nos designers. Imaginez que c'est la gamine qui vient de casser un objet appartenant à sa grande sœur, et qui va vite se cacher dans les jambes de papa."
"Ce segment est devenu particulièrement difficile parce qu'il y a énormément de concurrence. Et il y a de plus en plus de célibataires qui restent célibataires. Avant, l'Ibiza était surtout destinée aux jeunes. Aujourd'hui, nous devons nous adresser à un groupe plus disparate et votre voiture doit pouvoir parler à tous ceux qui composent ce groupe. C'est devenu tout un art…"