Essai: Rolls-Royce Black Badge – Les Rolls tatouées

Avec les Black Badge la marque se fait maintenant plus "menaçante". Vous allez sûrement être aussi surpris que nous: non, le client Rolls-Royce type n'est plus le vénérable industriel de 60-70 ans. Depuis quelques années, il a en moyenne 45 ans. Et non, ce ne sont les enfants gâtés des pétromonarchies qui font chuter cette moyenne, puisque les marchés principaux de la marque sont toujours les USA et l'Europe.

Les amateurs de la Flying Lady sont donc de plus en plus jeunes. Et jusqu'à présent, les moins conservateurs d'entre eux confiaient leur bijou à des tuners haut de gamme, à la Mansory. Le souci, c'est que les productions de ces transformateurs sont souvent d'un goût discutable, et surtout que leur qualité est très inférieure à celle de Rolls-Royce. Les voitures en sont donc à la fois dénaturées, et susceptibles de mal vieillir. Black Badge, c'est la réponse du constructeur à ces problèmes.

Touche rebelle

Comment définir l'esprit Black Badge? Imaginez un homme à l'allure très distinguée, habillé d'un costume trois pièces sur mesure. Mais dans son cou, un tatouage agressif dépasse du col de chemise.

Pour obtenir cet effet, il n'a pas fallu complétement chambouler les attributs esthétiques des Ghost et Wraith: moins de chromes, une teintes noircies pour certains de ceux qu'il reste (encadrement de calandre, ornement de coffre, sorties d'échappement), une Flying Lady qui devient sa propre jumelle maléfique en s'habillant de noir, d'impressionnantes jantes en carbone et aluminium, une peinture noire particulièrement profonde et intense et, touche finale, une version "en négatif" du badge Rolls-Royce, lettres argent sur fond noir.

Il en faut moins encore à bord. Outre les deux nouvelles teintes de cuir plutôt flashy proposées (un bleu cobalt qui pique un peu les yeux et un superbe pourpre), du chrome légèrement "fumé" pour les ouïes de ventilation et des pointes oranges pour les aiguilles de cadrans et de la montre, c'est ce qui remplace les boiseries classiques qui produit le plus d'effet. Une finition en fibre de carbone et fil d'aluminium, apposée sur un bois très sombre. Pour autant que nous sachions, c'est une première dans le monde de l'automobile, et c'est aussi sublime que moderne.

Plus réactives

Les Black Badge profitent aussi de quelques modifications techniques qui doivent rendre les sensations de conduite, comment dire… un peu plus "grrr". Le V12 6.6 litres turbo de la Ghost a été porté à 603 ch (+40) et 840 Nm (+60). La Wraith reste à 623 ch mais gagne 70 Nm, soit à présent 870. Direction et suspensions ont été légèrement raffermies et cela, avec une jante de volant épaissie, donne un toucher de route plus direct, des réactions plus vives, tout en conservant la douceur unique au monde des Rolls. Mais c'est le travail effectué sur la boîte auto 8 qui change le plus la donne.

Dans une Rolls, pas de bouton "Sport". C'est en fonction de la sollicitation du pied droit que la boîte adapte ses lois. Quand on enfonce l'accélérateur à plus de 25%, les Black Badge tirent les rapports jusqu'à 500 t/min plus loin. Dans la Wraith, entre 25 et 80% de pression, les passages de rapports sont accélérés et entre 80 et 100% de pression, ils n'interviennent qu'à 6.000 tours. Enfin quand on lève le pied, les deux Black Badge rétrogradent plus tôt, de façon plus marquée.

Tout cela ne transforme évidemment pas des voitures de quelques 2.500 kilos en pures sportives, et ce n'est pas ce que cherche Rolls-Royce. L'objectif est de leur donner un côté plus "méchant", plus impatient. Et entre les virages négociés plus à plat, le ressenti un peu plus direct et surtout cette boîte qui permet de profiter plus généreusement (mais jamais trop) du ronronnement du V12, cet objectif est pleinement atteint. Les 48.000€ que la noirceur ajoute à la facture d'une Rolls "normale" (ça ne fait guère que 15%) en valent largement la peine.